• Interview de Benoit TREGOUET, du label Entreprise.
    Le 03 février 2014 - Locaux de Third Side Records / Entreprise (41 Rue Sedaine - 75011 PARIS
    Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

    La communauté pop indé : Interview du label Entreprise (03 février 2014)

    Au cours des prochaines semaines, nous allons partir à la rencontre de membres essentiels de la commauté pop indé : responsables de labels, patrons de bars, disquaires, ... Nous démarrons ce dossier par l'interview de Benoit TREGOUET, un des fondateurs et responsables (avec Michel NASSIF) du label Entreprise.

    Baptiste & Gérald : Quelle est l'histoire du label Entreprise ? Comment a démarré l'aventure ?
    Benoît TREGOUET : Michel NASSIF et moi, on s'occupait déjà du label Third Side Records. Entreprise est né de constats liés à la crise du disque et de la prolongation d'expériences initiées avec Third Side Records. Par exemple la série « Le Podium », sur laquelle on a sorti La Femme ou le premier Blind Digital Citizen. C'est aussi le fruit d'une réflexion sur ce que doit être un label aujourd'hui : comment faire, quoi faire, ce qu'on avait fait et ce qu'on voulait faire différemment. On avait sorti uniquement des artistes qui chantaient en anglais, et on a centré Entreprise sur des artistes qui chantent en français. On privilégie aussi les formats courts.

    B & G : La naissance d'Entreprise remonte à un an environ ?
    BT : Oui, environ un an et demi. Ça correspond à l'installation dans nos locaux (41 rue Sedaine – 75011 PARIS).

    La communauté pop indé : Interview du label Entreprise (03 février 2014)

    B & G : Quelques mots sur votre autre label, Third Side Records.
    BT : C'est le label de Cocosuma, Fugu, Flairs, Syd Matters, Tahiti Boy, … On a démarré en 2001, dans la chambre à coucher de Michel comme il se doit (c’est d’ailleurs aussi là que se sont enregistrés les premiers disques …). Donc en gros, on a monté Third Side, pile au moment du début de la crise du disque. Un sens du timing parfait.

    B & G : Quel est le travail du label Entreprise ? Découvrir les talents, les conseiller, les faire éclore, les promouvoir ?
    BT : Tout à fait. Ca comprend toutes ces étapes. Nous, on a la particularité d'avoir notre propre studio. On produit et on encadre pendant les phases d'écriture et d'enregistrement. On s'occupe aussi des lancements et de l’accompagnement pour les premiers concerts. Clairement, on fait du développement d'artistes. Une des réponses à la crise du disque, ce n'est pas moins de labels ; au contraire, c'est encore plus de labels. Un des problèmes de la crise, c'est qu'il n'y a plus de sous et que ça a conduit à un retrait des labels et de leur travail et implication dans le processus artistique, alors que paradoxalement il en faudrait encore plus pour découvrir et accompagner les artistes. Il y a aussi eu un discours assez négatif contre les « intermédiaires ». Or, les labels ne sont pas des intermédiaires, ce sont des producteurs. Il n'y a pas un seul disque qui sorte sans label, et ce n'est pas pour rien. Radiohead – et encore, c'est un groupe développé sur une major pendant 15 ans, très établi – a voulu faire sans label et, derrière, ils se sont empressés d’y revenir. Le vrai problème pour un label, c'est la difficulté du financement.

    B & G : Monter un label indépendant aujourd'hui, c'est presque un sacerdoce.
    BT : Carrément. Mais c'est un peu moins un sacerdoce à partir du moment où tu ne te fais pas trop d'illusions. Aujourd'hui, il n'y a plus vraiment de marché. Il faut pouvoir se permettre de financer cela et d'investir un peu à perte, ou de diversifier les sources de revenus, par exemple en travaillant dans l'audiovisuel. L'idéal, c'est de réussir à trouver un groupe qui cartonne ou de produire un album qui devient un classique et qu'on écoutera encore dans une dizaine d'années. C'est très compliqué : les chiffres de vente sont quasi inexistants.

    La communauté pop indé : Interview du label Entreprise (03 février 2014)

    B & G : Pour un petit label, il n'y a pas aussi une difficulté de promotion et de marketing ?
    BT : Pas trop. Il faut surtout y consacrer du temps. Actuellement, beaucoup de choses sont possibles : Internet permet des choses incroyables. Pour information, on vient de signer un accord pour un contrat de licences avec Sony ; on espère que cela va nous amener plus de visibilité et de force de frappe pour la diffusion et la promotion.

    B & G : La stratégie économique d'Entreprise est axée sur les formats courts et le vinyle. Est-ce que vous allez vous diversifier, par exemple avec des LP ?
    BT : Tout à fait. 2014 va être une année importante car on va sortir nos premiers albums. En fait, c'est très important que l'artiste soit connu et identifié entre 6 et 12 mois avant la sortie de son premier album. Sinon, on n'a aucune chance d'être visible et d'exister. D'où le gros travail d'accompagnement et d'encadrement en amont. Concernant le vinyle, c'est simple : ça nous coûte très cher. Mais les rares gens qui sont encore prêts à dépenser de l'argent pour de la musique et qui vont chez les disquaires achètent à 80% du vinyle. Ce sont des passionnés de musique et ils veulent avoir un bel objet.

    B & G : Vous parliez auparavant du groupe La Femme qui a démarré avec vous. Est-ce que vous avez encore des relations avec eux ?
    BT : Pas de relations de business : on a sorti le premier EP de La Femme en 2010, donc c'est un peu loin, et on ne travaille plus avec eux depuis plus de deux ans. Mais on a des relations amicales oui. On se connaît bien. Et on continue à récolter les fruits de notre collaboration !

    B & G Comment avez-vous vécu la récente Victoire de la Musique attribuée à La Femme ? On a l'impression, au vu des réactions sur les réseaux sociaux, que la communauté pop indé au sens large a été vraiment très contente de leur récompense, qui a été vécue comme une reconnaissance de ce type de musique.
    BT : C'est vraiment super. C'est une très bonne nouvelle. Je pense que c'est un groupe fondamental, qui marque un vrai changement d'époque. Pour nous, c’est clairement avec La Femme qu'a commencé le chantier de refondation de la pop française.

    B & G : Justement, qu'est-ce que vous pensez de la scène pop française qui a émergé depuis quelques années, avec beaucoup de densité, de qualité, des paroles en français, et des directions musicales très différentes ?
    BT : Il y a plein de choses qui se passent. C'est excitant, ça fait vraiment plaisir. Tout le monde est content, nous les premiers. Et le fait de chanter en français est très important : ça montre qu’on peut à nouveau chanter en français sans rester dans un carcan « chanson ».

    B & G : Qu'est-ce qui vous a motivé, Michel et toi, pour lancer votre propre label ?
    BT : Michel, lui, est musicien. Au départ, il avait envie de produire son propre groupe. On était aussi dans la mythologie des labels indépendants anglo-saxons. Moi, j'ai toujours travaillé dans le monde de la musique. Auparavant, au lycée ou pendant mes études, j'ai participé à des fanzines de musique.

    B & G : Est-ce qu'il y a des groupes du label Entreprise avec lesquels il y a une totale osmose sur le projet musical ?
    BT : Tous ! Tu ne fais pas de choix entre tes enfants. Leurs styles sont parfois très différents mais ils ont tous une particularité qui nous a convaincus de travailler avec eux. Je ne vois pas le label comme une œuvre d'art : je n'aime pas trop les labels qui écrasent les artistes, qui prennent trop de place, avec des artistes qui deviennent inféodés au label.

    B & G : Un mot ou quelques mots sur les artistes d'Entreprise ?
    BT : On cherche des artistes qui sont singuliers, qui sont originaux, qui ont du caractère, qui ont du courage et qui communiquent un truc vital, une énergie. Ce sont vraiment leurs points communs.

    B & G : On va maintenant faire un petit zoom sur chacun des artistes du label. Superets ?
    BT : C'est bête à dire comme ça, mais ça compte beaucoup pour nous : c'est le premier groupe qu'on a signé qui est basé en Province (à Rennes, ndlr). J'adore Paris mais il se passe aussi plein de choses intéressantes en Province, à Rennes, à Bordeaux, à Clermont-Ferrand, ... Après, la chanson 160 Caractères pour te dire adieu, c'est un super morceau pop à l'anglo-saxonne mais avec des influences françaises assez claires (Bijou, Téléphone), très évident, très spontané, avec un super texte en français, très lisible, mais avec aussi un sens assez complexe.

    B & G : Juniore ?
    G : J'aime beaucoup leur son 60's, leur pop douce.
    BT : Les textes sont brillants et la voix est superbe. La rencontre a été assez simple. Juniore, c’est un peu la famille. Anna Jean, qui écrit et chante, était la chanteuse de Domingo, un groupe de Third Side Records. Et c’est produit par Samy Osta qui a réalisé l’album de La Femme. On n'a pas été les chercher très loin !

    B & G : Lafayette ?
    BT : Il fait ce que j’appelle une « hyper-variété » chic et décalée. Je le vois comme un Woody Allen de la chanson, qui met en en scène sa dépression de manière humoristique. Franchement, des morceaux comme Les Dessous Féminins ou Eros Automatique, je me demande pourquoi ça ne passe pas tout le temps à la radio.

    B & G : Jérôme Echenoz ?
    BT : Le morceau Le Chrome et le Coton est magnifique. Dans la production musicale récente, y compris en dehors du label Entreprise, c'est vraiment un morceau qui m'a marqué. Je suis très fier de l’avoir produit.

    B & G : Moodoïd ? C'est peut-être le groupe, actuellement, qui cartonne le plus et qui fait le plus parler de lui au sein de l'écurie Entreprise.
    BT : Que dire ? Il y a trop de choses à dire, c'est tellement riche. Pablo Padovani (le leader du groupe) est un garçon très doué, comme on en rencontre trop rarement. J'aime leurs influences qui sont issues du jazz ou des musiques du monde, leur façon de les retranscrire de manière très personnelle, de bousculer nos idées de la musique et les préconceptions des auditeurs. Quand tu écoutes leur musique, il se passe quelque chose, c'est une aventure. Et en live, c’est un vrai spectacle, très glam, avec des costumes et des paillettes. Leur premier album va sortir cette année.

    B & G : Blind Digital Citizen ?
    BT : La première fois que tu les écoutes, c'est assez déstabilisant. Il faut y revenir à plusieurs fois : on met du temps à rentrer dans leur univers, mais quand y est, on est à bloc, on se passionne pour eux, de manière très intense et radicale. Pour tous nos groupes, on essaye de créer une histoire. Ils rentrent en studio pour enregistrer le premier album : ça va être assez fou je pense, un mélange de pure poésie et de choses assez violentes.

    G : Pour rebondir sur le côté « création d'une histoire », j'ai trouvé très intéressante la manière d'amener l'univers de Lafayette avec la trilogie amoureuse.
    BT : Merci ! Malheureusement, la crise a un peu tué le glamour et le fun. On s'est dit que, quand tu lances artiste, il faut aussi que les gens soient contents.

    B : Ça aurait été dommage, avec quelqu'un comme Lafayette, de faire juste quelque chose de standardisé et de lisse.
    BT : Complétement, l’idée c’était de ramener un truc drôle et original. Et puis surtout ne pas prendre les gens pour des cons, ne pas essayer de leur vendre de la merde. D’où ce concept d’ « hyper variété ». C’est presque devenu un gros mot la variété, un terme très péjoratif alors qu’à la base c’est notre « pop » à nous, un truc grand public et populaire mais de qualité ! Quand tu fais des choses bien, avec de l'originalité, de la générosité et un vrai univers, le public est là. On l'a vu cette année avec le succès de Stromae. Il y a d’ailleurs peut-être plus d'originalité et de risque chez lui que dans beaucoup de la production dite indépendante. Esthétiquement ça peut déplaire, mais je reconnais un vrai talent dans la production et dans les idées.

    B & G : Y-a-t-il un groupe ou un artiste, qui n'est pas chez Entreprise, et que tu aurais aimé signé ?
    BT : Un seul je crois, c’est assez loin de ce qu’on fait: il s'agit d'Acid Arab signé sur le label Versatile. Je trouve ça super, je suis un peu jaloux oui.


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  • Interview de The Lanskies pour la sortie de leur album « Hot Wave »
    Le 25/02 à 19h – Hotel Alba (34, rue de la Tour d’Auvergne – 75009 PARIS).
    Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

    Interview de The Lanskies (25 février 2014)

    Trois des membres de The Lanskies nous attendent pour leur dernière interview de la journée, dans le cadre de la promotion de leur deuxième LP « Hot Wave », sorti en janvier dernier. Nous avons découvert un groupe complètement habité par la musique, et au sein duquel des débats loin d’être artificiels permettent finalement de cerner leur univers, leurs influences, leurs sensibilités. C’est parti pour un long entretien avec un groupe de talent, et franchement adorable.

    Gérald et Baptiste : Qui êtes-vous ? Comment sont nés The Lanskies ? Ça veut dire quoi The Lanskies ?
    Florian von Kunssberg : Les Lanskies, c’est un groupe formé de cinq personnes de générations assez différentes, puisqu’au sein du groupe l’âge varie entre la vingtaine et la quarantaine. Au départ, Marc et moi, guitaristes, avons créé nos maquettes. Et ensuite on a cherché des musiciens, un batteur, un bassiste, et on a voulu trouver un chanteur anglais. Je connaissais personnellement le frère de Lewis, qui est un super chanteur, avec lequel j’avais déjà travaillé, mais qui est reparti vivre en Angleterre au moment de la formation des Lanskies. Et en fait j’ai rencontré Lewis à la sortie d’un bar, il est venu répéter avec nous le lendemain matin. Tout cela s’est passé en 2005, fin 2005. On est repartis avec trois ou quatre morceaux presque finis après une seul répèt’. Ensuite, tout est allé assez vite, surtout pour les concerts, de plus en plus gros, et puis le parcours habituel des tremplins, au Printemps de Bourges, aux Vieilles Charrues, etc. On s’est retrouvés à faire une vraie tournée, et puis à enregistrer un véritable album.

    G & B : Dans quel type de formation vous étiez avant la création de The Lanskies ?
    FvK : Je jouais dans le groupe Teaspoon, on avait signé un premier album chez Warner, et puis cela n’avait pas bien fonctionné, on végétait un peu. Alors, je me suis dit que je voulais faire de la musique pour le fun, et c’est dans cet esprit-là qu’avec Marc on a monté les maquettes des futurs morceaux de The Lanskies.
    Lewis Evans : J’étais au lycée quand j’ai commencé à chanter pour The Lanskies. Auparavant, j’étais dans un groupe qui s’appelait The Jim Bob’s, et avec mon frère on avait créé The Dads.
    FvK : The Lanskies, au départ, c’était comme une blague !
    LE : Non, pour moi ce n’était pas une blague !
    FvK : Oui mais toi tu étais parti faire tes études aux Beaux-Arts, nous on taffait. A cette époque, le batteur, le guitariste et moi-même étions tous plus ou moins installés dans la vie. The Lanskies devait être un groupe pour faire des concerts le week end, de temps en temps.

    G & B : Et toi, Lewis, d’où te vient cette maîtrise parfaite du français ?!
    LE : Mes parents ont voulu partir en France quand j’avais douze ans. J’avais des parents un peu babos. Ils étaient flics, mais ont décidé d’arrêter ce métier : mon père a monté une résidence d’artistes. On a fait une sorte de tour de France en caravane, j’ai été déscolarisé pendant plus d’un an et demi, et ensuite mes parents ont trouvé une maison dans la Manche

    G & B : Comment comparer la pop britannique et la French Pop qui se développe depuis quelques années ?
    LE : Je suis très pote avec les membres des groupes Aline et Granville. Ce sont des groupes que j’adore, des musiciens super sympas, hyper créatifs : ils arrivent à travailler le texte français, en donnant du sens, et à faire des morceaux, souvent dansants, qui font penser à la pop anglaise.
    FvK : Tu as aussi Lescop, pour moi c’est typiquement frenchy. C’est un peu ce qui se faisait à l’époque de Taxi Girl.
    LE : Oui enfin, ce n’est pas du recyclage non plus. Ecoute La Femme par exemple.
    FvK : J’adore La Femme, c’est un groupe grandiose. Mais, personnellement, je n’ai pas cette culture-là. Je n’ai jamais cherché à faire du français, j’ai toujours cherché à faire de la musique anglaise, c’est la raison pour laquelle on voulait avoir un chanteur anglais.
    LE : J’ai d’ailleurs une pression de malade sur le fait d’écrire une chanson en français. Une pression de quota de radio, de la part des labels aussi. Et sur le marché français, la langue française marchera mieux que l’anglais.
    FvK : Les groupes dont on a parlé ont envie d’exprimer des choses dans leur langue, Lewis, lui, va s’exprimer plus naturellement dans sa langue.
    LE : C’est par facilité.
    FvK : Après, en français il y a un rapport au texte, aux mots, qui n’existe pas en anglais. Il y a tout le poids de la tradition de la littérature française et de la chanson à textes.
    LE : On n’est pas un groupe prise de tête, on est un groupe qui fonce, un groupe de scène. Ceci dit, mes textes ont toujours un double sens.

    G & B : Et vous n’allez pas jouer en Angleterre ?
    LE : Evidemment, je rêverais d’aller jouer à Liverpool, là d’où je viens, devant ma famille. Mais en Angleterre, la musique constitue un marché considérable. C’est très compliqué de monter une tournée en Angleterre, ça coûte énormément d’argent. Les pays du continent européen sauf l’Allemagne peut-être, font du Royaume-Uni un rêve, dans le domaine de la musique pop. Or, il n’y a pas eu de grands groupes sortis de Liverpool, Newcastle ou Manchester depuis des années. Les raisons sont politiques : les conservateurs au pouvoir ont réduit considérablement les subventions aux associations culturelles, aux salles de répèt’, dans le nord de l’Angleterre. Tout l’argent se concentre à Londres, d’où la montée du Dubstep et de l’Emo, et l’apparition de groupes ou artistes très standardisés, très américanisés. Il n’y a plus d’énergie dans le nord de l’Angleterre. L’Europe continentale a vraiment acquis une identité musicale, grâce au Bureau Export, grâce à des festivals comme les Transmusicales de Rennes, Eurosonic aux Pays-Bas, Reeperbahn en Allemagne.
    FvK : Après, tu as aussi des groupes très lookés, comme The Temples, mais quand tu écoutes tu es déçu, parce que tu demandes ce qu’il y a derrière ce look.
    LE : Et quand les Anglais pensent à la musique française, ils pensent à Eurotrash (émission de télé britannique, présentée par Jean-Paul Gaultier et Antoine de Caunes, ndlr). Cela prend du temps d’avoir les clés de compréhension pour accéder à certains pans de la musique française. Cela tient au texte : si tu ne comprends pas le texte, tu peux passer à côté. L’exemple typique : Katerine.
    FvK : Mais pas Gainsbourg, la musique est top.
    LE : Pour finir, en France, il y a aussi le statut d’intermittent du spectacle, qui permet réellement de dynamiser le paysage musical. Personnellement, je ne cherche pas la gloire, je cherche à vivre de ma musique.

    G & B : Comment s’est déroulé le travail sur le dernier album ?
    LE : On fait de la musique entre nous, chaque membre du groupe compose. C’est une vraie démocratie musicale !
    Fvk : D’où plus d’un an et demi de travail. Six mois de maquettage, et d’histoires de label.
    LE : Mais on n’a jamais arrêté de faire des concerts. La composition, ça peut se passer dans les chambres d’hôtel, au petit déjeuner chez Flo. Y’a des gens qui nous disent : « Mais vous tournez tout le temps ». Ben oui ! On n’a pas de stratégie de groupe, on est avant tout un groupe de scène. Personnellement, je déteste les étapes en studio d’enregistrement, je préfère la scène. Je n’ai jamais écouté notre album, c’est pour vous dire !
    FvK : Concernant la composition, il y aussi un élément important, c’est que l’on se connaît très bien. On sait ce que les autres vont apporter à un morceau.

    G & B : C’est quoi pour vous la Hot Wave ?
    LE : A l’ origine c’est un journaliste anglais, pour le NME, qui avait écrit que notre musique était de la hot wave. Ensuite, les journalistes ont repris cette étiquette que nous n’avions pas du tout choisi nous-mêmes. J’ai malgré tout une définition de la Hot Wave : c’est la rencontre de deux guitaristes, en l’occurrence Flo, qui pratique une guitare britpop, et Marc, qui, en tant qu’ancien nouveau romantique, est plus influencé par le post-punk et la new wave. J’en fais donc une définition instrumentale, dans laquelle le chant n’intervient pas.
    FvK : Le premier album était très influencé par la vague post-punk et new wave, qui est revenue au début et au milieu des années 2000. Je pense que le deuxième n’est pas de la new wave réorchestrée, cela va au-delà. Et la hot wave, que les journalistes ont pondue et dans laquelle ils nous ont rangés, ne nous convient pas tant que ça.

    G & B: Et vos influences britpop ? Menswear, Elastica, Sleeper ?
    G: Moi, la première fois que j'ai écouté vos chansons, ça m'a rappellé Menswear, en particulier le morceau Daydreamer.
    FvK : Tous ces groupes-là, je les ai vus en concert à Reading dans les années 90. J’adore ! Menswear était vraiment un super groupe.
    G: Florian, on doit avoir le même âge. Menswear, c'est une histoire de jeunes quadras ...
    LE : Je connais aussi. Mais, c’est Flo qui a fait mon éducation musicale à ce niveau-là. Tu es un peu mon Obi Wan Kenobi. On a aussi des OVNIs, comme Bank Holiday. Si on était dans une grosse major, si toutes les planètes étaient alignés, ce morceau aurait été un énorme tube. A chaque fois qu’on le joue en concert, le public est surexcité. C’est un morceau qui figure sur le premier album, mais j’aimerais qu’il soit présent dans tous nos albums.
    FvK : C’est un hymne. Malgré tout, je détestais jouer cette chanson sur scène jusqu’au dernier concert : on a décidé de le faire en milieu de set, au lieu de la faire à la fin. A la fin du concert, cela fait trop attendu. C’est comme si les gens venaient pour écouter un seul morceau.
    Zool Vabret : Bon après, il faut quand même dire que pour ce concert, on a en effet joué Bank Holiday en cinquième, mais les gens étaient pas trop dedans, on l’a rejoué à la fin et là c’était l’explosion.

    G & B : La britpop est-elle plus ou moins mise en avant sur le deuxième album ? On y trouve aussi des influences hip hop.
    ZV : Elle est plus présente je pense. Et puis, il y a des éléments hip hop évidemment, sur la voix.
    FvK : On a fait un voyage aux Etats-Unis et Lewis y a puisé des éléments hip hop.
    LE : Y’a un côté hyper dance, avec des morceaux comme If You Join Us, et des chansons plus rock, presque punk, comme Sunny Rose, et du hip hop.
    FvK : Je ne suis pas d’accord, je le trouve plus britpop cet album. Tu prends des morceaux comme Romeo, c’est dans la même veine que Fashion Week.
    LE : Sur les chœurs, c’est beaucoup moins britpop que le précédent.
    ZV : Mais il y en a quarante mille des chœurs ! Alors que dans le premier album, il n’y en avait pas.
    LE : Le deuxième album est plus hip hop.
    ZV : Oui enfin il y a deux chansons hip hop sur cet album, voire une et demi!
    LE : Shall we agree to disagree ? Après, ce qu’il faut savoir c’est qu’en dehors de la scène, Flo, c’est un peu le Duc du groupe, c’est un peu notre Roi. Mais sur scène, c’est moi (rires). Là on n’est pas sur scène, donc j’essaie de le convaincre !

    G & B : L’artiste ou groupe qui vous a donné envie de faire de la musique ?
    FvK : Le groupe qui a déclenché mon envie de faire la musique, même s’il n’a pas beaucoup compté pour mes influences, c’est Dinosaur Jr. J’adorais un de leurs albums, il y a une petite fille qui fume une cigarette sur la pochette (Green Mind, ndlr). Et mon père me disait, quand il me voyait écouter ce genre de musique : « Ecoute euh… Bosse un peu quoi ! » (rires), mais mon père ne m’a jamais empêché de faire de la musique non plus. Et puis je viens d’une famille d’artistes : mon arrière-grand-père était un grand pianiste de musique classique, il s’appelait Wilhelm Kempff.
    LE : C’est vrai qu’il avait six doigts… ?! (rires)
    Fvk : Bref.
    LE : En ce qui me concerne il y a deux facteurs qui m’ont donné envie de faire de la musique. Tout d’abord, mon frère, qui jouait de la guitare devant moi. J’avais envie de faire comme lui, donc je me suis mis dans ses pas. Et le deuxième facteur c’est ma mère, qui était une ancienne groupie, elle traînait avec Devo ou Generation X, avant de rentrer dans la police. Mes parents organisaient aussi des soirées avec des musiciens, avec parfois Tony Wilson (le co-fondateur du label Factory Records, ndlr).
    ZV : Le premier groupe qui m’a fait une grosse impression c’est un groupe de Caen, qui n’existe plus aujourd’hui, qui s’appelait les Monkey Beats. Deux semaines après les avoir vus en concert, j’avais acheté mon premier instrument, ma basse. J’ai fini par jouer avec eux quelques années plus tard. Avant cela, j’avais fait dix ans de piano, mais ça m’avait dégoûté. J’avais une prof violente.
    FvK : Moi j’adorais ma prof de piano, elle était magnifique.

    G & B : On va maintenant finir par un petit blind test. Le but est de nous dire ce que vous pensez des morceauxG & B : On va maintenant finir par un petit blind test. Le but est de nous dire ce que vous pensez des morceaux
    - The Smiths, Barbarism begins at home
    FvK: Je connais mal cet album, “Meat Is Murder”.

    - Echo & The Bunnymen, Rescue
    LE : J’ai cet album. Ecoute Eastern Wall de The Lanskies, c’est presqu’inspiré d’un morceau de ce groupe, Crocodiles.
    FvK : Ian McCulloch, dans une interview (interview donnée aux Inrockuptibles, ndlr), avait dit qu'ils avaient 50 ans d'avance à l'époque et qu'ils en ont toujours une vingtaine aujourd'hui.

    - Aline, Teen Whistle
    LE : C’est très beau, je ne connaissais pas ce morceau.
    FvK : Super morceau. C’est super 80's, faudra que j’écoute leur album en entier. Ça sonne très anglais !

    - Bloc Party, This Modern Love
    ZV: Bloc Party, évidemment !

    B: On a l'impression que « Hot Wave » est l'album que n'arrive plus à sortir Bloc Party.
    FvK: C'est exactement ce que vient d'écrire le magazine Plugged à propos de « Hot Wave ».

    Plus qu'une interview, cela a été un très bon moment d'échanges et de discussion avec des musiciens passionnés, très sympas, et faisant preuve de beaucoup d'humour.

    En conclusion, « Hot Wave » est à écouter sans modération.

    A noter tout de suite dans vos agendas : le concert de The Lanskies au Divan du Monde le 25 mars.

    Notre interview est également disponible sur United States of Paris.


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  • De la new wave, de la new new wave, de la hot wave, de la french pop, de la synth pop, et, bien sûr, toujours un peu de Suede et de Smiths ...

    - Motorama : Empty bed

    - The Stranglers : Strange little girl

    - Lescop : Le vent

    - The Cure : A forest

    - The Lanskies : Romeo

    - Suede : We are the pigs

    - The Smiths : This Charming man

    - Alpaca Sports : Just like Johnny Marr

    - Vincent Delerm : Hacienda

    - The Field Mice : Emma's house

    - Saint Michel : Katherine

    - The Superets : Les histoires sans fin


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  • Live Report de la soirée Saint-Valentin à la Gaîté Lyrique (14 février 2014).
    Par Baptiste Petitjean.

    Concentration exceptionnelle de jeunes gens talentueux sur la scène de la magnifique Gaîté lyrique.

    Juliette Armanet et Cléa Vincent ont donné l’impulsion. La première, par sa présence, seule au piano, et par ses textes déjantés, comme par exemple sur le morceau Du Coq A L’Ane, ou comment placer « cot cot cot » dans une chanson sans tout gâcher ! La seconde – récemment aperçue dans la cave musicale du Pop In rue Amelot –, par son sens très prometteur de la pop, sa sensibilité rythmique infaillible et son inédite voix jazzy-solaire, a naturellement emporté le public ; on retient les morceaux Retour De l’Homme et Retiens Mon Désir, issu de son premier EP « Non Mais Oui » qui vient de sortir.

    Ensuite les Mustang ont littéralement déroulé leur virtuosité, eux qui affichent déjà une belle panoplie de publications, et qui font preuve d’une maîtrise saisissante pour un groupe si jeune. Huit morceaux enchainés tambour battant, alternant ou mélangeant sautillements et sensualité, le tout dans un magma évidemment rockabilly mais aussi pop-rock au son clair, sans oublier une french touch bien dosée. Et avec une aisance déconcertante : Jean Felzine, Rémi Faure, Johan Gentile sont faciles. Aucune fausse note à pointer au cours de ce récital rétro pop tonitruant. Leur troisième album, « Ecran total », sera l’immanquable du printemps 2014. Nota bene : on retient l’originalité des textes, presque les héritiers de ceux de Boris Vian.

    Live Report : la Saint Valentin à la Gaîté Lyrique avec Mustang, The Pirouettes et Kylie Minogue

    Et The Pirouettes, que l’on connait déjà bien (cf. l'article "Espoirs 2014" et leur interview sur Little John's Pop Life), pour finir. Leur deuxième EP « L’Importance des autres » fraichement paru, Léo et sa valentine ont su capter l’attention d’un public pas forcément attentif, et pourtant, que leur musique fait du bien ! Eux-mêmes se trouvent « moyens » en live, mais ce n’est qu’une question de confiance à engranger : rassurez-vous les Pirouettes, vos mélodies accrochent, votre look séduit et votre attitude attendrit. Un duo attachant, avec lequel on a envie de partager des bons moments de musique. Une date à bloquer : le 07 mars pour leur release party, « on va faire la fête », ont déjà averti Léo et Victoria.

    Live Report : la Saint Valentin à la Gaîté Lyrique avec Mustang, The Pirouettes et Kylie Minogue

    La soirée aurait pu se terminer ainsi, mais c’était sans compter la love surprise : un concert express de Kylie Minogue, en toute simplicité ! Bon, a priori, je ne suis pas la cible. Mais il faut saluer la bête de scène, la star internationale qui, après 30 ans de carrière, a présenté un show de 15 minutes au cordeau, dans le cadre de la promotion de son nouvel album « Kiss Me Once » qui sortira en mars prochain. Une personnalité qui sait aussi sortir du cadre, lorsqu’elle smacke un fan hystérique du premier rang, ou lorsqu’elle reprend a capella son tube I Should Be So Lucky.

    Set list de The Pirouettes : L’Eté Indien > Danser Dans Les Boîtes De Nuit > Oublie-Moi > Un Mec En Or > Hortensia Summer > Le Dernier Métro.

    Set list, de Mustang : Coup De Foudre A L’Envers > Le Sens Des Affaires > Sans Des Filles Comme Toi > Mes Oignons (Ne Font Pleurer Que Moi) > Les Oiseaux Blessés > Ecran Total > Le Pantalon > Je Vis Des Hauts


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  • Live Report : concert d'Aline à Plaisir (La Clé Des Champs) le 07 février 2014
    Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

    Live report : concert d'Aline à Plaisir, 07 février 2014

    20h30. On se gare devant la Clé Des Champs. Une bonne nouvelle : pas de souci pour trouver une place sur le parking. Et donc une mauvaise nouvelle : il n'y a pas grand monde …

    En attendant le début du concert, on boit quelques bières et on discute avec Romain Leiris et Jérémy Monteiro. Six démos ont été enregistrées pendant le mois de janvier ; chacun des membres du groupe va maintenant chercher des idées, pour avoir suffisamment de matière avant de retourner en studio préparer le deuxième album. Nous  reparlons aussi avec Romain Guerret de la compilation d'inédits (faces B, versions alternatives, reprises, …) que nous avions évoquée ensemble fin décembre après leur passage à la Flèche d'Or.

    21h45. Les Aline montent sur scène. Nous sommes une trentaine dans la salle et ça nous rend un peu tristes ; mais ce n'est que passager. D'entrée, Maudit Garçon donne le ton : nerveux, sec, punk. Ce concert sera intense et magique (le meilleur concert d'Aline auquel nous avons assisté).

    Live report : concert d'Aline à Plaisir, 07 février 2014

    Pour Voleur, Romain Guerret descend dans le public. A partir de ce moment, on ne sait plus qui est sur scène et qui est le public : le groupe Aline, c'est trente personnes, qui jouent ensemble, comme dans une fête de famille. La maman de Vincent Pedretti, arrivée de Martinique, assiste d'ailleurs pour la première fois à un concert d'Aline et de son fils, qui est très très ému. On s'amuse aussi des petits défauts des uns et des autres (les retards de Vincent Pedretti par exemple).

    Live report : concert d'Aline à Plaisir, 07 février 2014

    Merci à la nouvelle Epiphone de Romain Guerret, dont une corde a cassé dès les premières notes du morceau : grâce à elle, on a droit à une superbe version de Je bois et puis je danse, avec une intro improvisée pendant plus de 5 minutes, petit intermède Northern Soul façon Style Council ou Orange Juice, au milieu de la furia punk et avant le début d'un très rare phénomène paranormal ou peut-être vaudou (il faut impérativement que R.I.P. fasse une enquête). Le groupe est successivement possédé par les Buzzcocks, les Jam de In the City, les Who de My Generation et les Cure de A Forest. La salle est en transe collective. Le groupe joue pied au plancher : forcément, la consommation de carburant augmente et le public doit les approvisionner en bières fraîches.

    Live report : concert d'Aline à Plaisir, 07 février 2014

    Ce soir, les Eclaireurs sont sur scène, telle une cinquième colonne indie pop. Et les Copains sont dans la salle : on boit et on danse, on chante, on rigole. Bref, comme le dit Romain Guerret, « on est  primaires ».

    Live report : concert d'Aline à Plaisir, 07 février 2014

    Le concert se termine. Nous sommes KO debout mais heureux. Romain Guerret nous donne rendez-vous au bar. La soirée se poursuit en buvant des bières et en discutant de musique jusqu'à un peu plus d'une heure du matin (en fait jusqu'à la fermeture du bar …).

    Live report : concert d'Aline à Plaisir, 07 février 2014

    Romain Guerret, Romain Leiris, Jérémy Monteiro, Vincent Pedretti, Arnaud Pilard : merci à vous ! C'est pour vivre de tels moments qu'on écoute de la musique et qu'on assiste à des concerts. A bientôt.

    Set list : Maudit Garçon > Deux Hirondelles > Obscène > Tout ce que je veux (reprise des Désaxés) > Voleur > La lune sera bleue > Elle et moi > Je bois et je puis je danse > Mon dieu mes amis > Elle m'oubliera > Regarde le ciel > Teen Whistle > Les éclaireurs > Rappel : Les copains


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