• Interview de Ludovic Bors, du label Q-Sounds Recording (6 septembre 2016, au Pop In).

    Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

    Quand des mods fans de britpop discutent avec un fan de hip-hop, de quoi parlent-ils ? De soul, bien évidemment ... Rencontre avec Ludovic Bors, co-fondateur du label Q-Sounds, la référence française en matière de soul !

    Interview du label Q-Sounds Recording, 6 septembre 2016

    Baptiste & Gérald : Peux-tu nous parler de la création du label Q-Sounds Recording ?

    Ludovic Bors : On a démarré le label fin 2009, il y a presque 7 ans. On vient de Seine-Saint-Denis, qui est un département très créatif.

    B&G : Quelles sont les références musicales du label ? Et les tiennes ?

    LB : J'ai toujours fait de la musique. Je viens du hip hop et de la house. Avec un de mes meilleurs amis, JC aka Chris Thomas, qui est un des plus vieux DJ de house français. On a un parcours commun : on vient de banlieue, on a une forte culture hip hop. Lui s'est intéressé très tôt à la house de New York et de Chicago, à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Nous nous sommes connus il y a 18 ans en traînant dans des labels communs. Kiff Records par exemple. On a rencontré d'autres potes qui faisaient aussi de la musique, dont Antoine avec qui j'ai fait des maxis sur le label QALOMOTA. Notre culture commune de collection de disque, de digging, autour des samples de soul, nous a donné envie de monter un label de soul. Et Q-Sounds est né. Avec le Q de QALOMOTA : au départ, Q-Sounds était un peu une excroissance de QALOMOTA.

    Interview du label Q-Sounds Recording, 6 septembre 2016

    B&G : Tu joues de la musique ?

    LB : Oui, je joue des claviers : Rhodes, orgue, … Et je suis aussi flûtiste ; j'ai fait le conservatoire à Montreuil, là où j'ai grandi. Quand je produisais, je mélangeais des machines et des instruments. Actuellement, je joue dans plusieurs groupes du label : The Adelians, Rebecca Dry, Radek Azul Band. En fait, on est un noyau dur de musiciens qui participe aux différents projets du label.

    B&G : Tu as eu des influences familiales quand tu étais petit ?

    LB : Non. Pas du tout. Mes parents avaient peu de disques : du Georges Brassens, du Jacques Brel. Que des trucs que je n'aime pas (rires). Ils avaient quand même un disque de Dave Brubeck que j'écoutais.

    B&G : Qu'est-ce qui t'a donné envie de faire de la musique ?

    LB : A 7 ans, j'ai pris ma première grosse claque musicale. C'était un concert de Dizzy Gillespie à la mairie de Montreuil. C'était sa période jazz funk. J'ai lutté pour ne pas m'endormir avant la fin du concert ! Ensuite, tout ce que j'écoutais me semblait nul.

    B&G : Quel est le disque qui t'a marqué quand tu étais jeune ?

    LB : C'est « Paid in Full » d'Eric B. and Rakim. J'avais trouvé ce que j'aimais !

    B&G : Que signifie le logo de Q-Sounds ? Il rappelle un peu les esthétiques des écussons Northern Soul ou le logo de Trojan.

    LB : Oui, on voulait des armoiries à l'ancienne. Avec le Q de Q-Sounds au milieu. Et une fleur de lys pour rappeler l'Ile-de-France, notre terroir. Il n'y a pas que les Bretons qui sont fiers de leur région (rires) ! Nous aussi, nous sommes fiers de venir de Seine-Saint-Denis. Un peu comme le label Daptone, qui est indissociable de Brooklyn.

    B&G : Aux débuts du hip hop, tu as eu l'occasion d'aller aux Etats-Unis ?

    Je ne suis allé qu'une seule fois à New York. J'ai bien sûr chiné dans les magasins de disques. Mais je n'y suis pas resté assez longtemps pour m'imprégner de l'atmosphère. JC, lui, y est allé plusieurs fois : il a vraiment senti l'explosion du hip hop et de la house, dans des concerts et dans des soirées.

    Interview du label Q-Sounds Recording, 6 septembre 2016

    B&G : Comment en es-tu arrivé à écouter de la soul ?

    LB : C'est vraiment par l 'intermédiaire des samples dans le hip-hop : James Brown, puis du jazz funk, des choses plus douces et plus élaborées. Et en tirant le fil de la pelote, j'ai écouté les productions CTI, Blue Note, Prestige. Puis de la disco, de la soul 60's, de la early soul, du rock'n roll à la Chuck Berry. 

    B&G : C'est marrant. Car on vient de la culture mod. Pas du tout de la culture hip-hop. Et on se retrouve sur la soul !

    LB : En effet, la plupart des gars de notre âge qui écoutent de la soul viennent de la culture mod, via le rhythm'n blues anglais des 60's. Je suis venu au blues anglais assez tardivement. Et, même si je la comprends, je n'ai pas une grande culture britpop, ce n'est pas ancré en moi. Mais j'ai toujours écouté du punk. Je ne sais pas pourquoi, depuis tout petit, j'ai toujours aimé le punk. J'aimais beaucoup les Sex Pistols. Pour en revenir aux mods, ils sont vraiment cools car ils nous ont permis de jouer dans leurs festivals.

    B&G : Récemment, vous avez d'ailleurs ajouté au catalogue Q-Sounds des références plus pop : le blues anglais 60's avec Pan, la surf music avec The Wave Chargers.

    LB : Oui, je connaissais la surf music depuis 15 ans mais je n'en écoutais pas beaucoup. Et je me suis rendu compte que c'était vachement bien.

    B&G : Pan fait penser à la scène mod et blues anglaise des 60's.

    LB : On est en plein dans le freakbeat, dans le british blues boom. J'adore !

    B&G : On retrouve aussi ce côté chez Sheetah et les Weissmüller. 

    LB : Dans leur dernier album, on se place dans une tradition de la soul française. Ils reprennent le travail là où Eddy Mitchell l'avait laissé dans les années 60. Dans les paroles et les compositions, l'intention est assez proche.

    B&G : Vous voulez continuer à élargir le spectre musical de Q-Sounds, à aller vers d'autres univers musicaux que la soul ?

    LB : On ne se fixe pas de limites. Si on a assez d'argent pour sortir les disques qu'on aime, on les sort. C'est aussi simple que ça. Par exemple, on a sorti un 45 tours Live des Marginals, un disque complètement barré, enregistré avec des moyens très rudimentaires, quasiment uniquement instrumental pendant 11 minutes. Ça ne nous rendra jamais riches, mais ça nous rend fiers !

    B&G : Comment découvrez-vous les groupes que vous produisez ?

    LB : Au départ, la scène soul française était quasiment inexistante. Aujourd'hui, elle n'est pas énorme mais elle existe quand même. La plupart des groupes qui existent sont passés chez nous ou sont chez nous. Ça crée un noyau, un réseau. Donc on fonctionne pas mal par connaissance. On découvre aussi d'autres groupes dans des concerts : Pan par exemple, on a joué ensemble à Rennes. Ça nous a intéressé et on leur a proposé de sortir un 45 tours. Le problème de la soul, c'est que c'est une musique de chanteur et de chanteuse, il faut trouver des voix qui ont une personnalité. Et ce n'est pas évident.

    B&G : Vous sortez uniquement des vinyles ? Ou des CD ?

    LB : On ne sort presque que des vinyles, un peu par plaisir égoïste car nous sommes des collectionneurs. Notre économie est très fragile. On ne vit pas du label, Notre but, c'est que les disques arrivent à se rembourser. Ça marche environ une fois sur deux, parfois ça prend un peu de temps. Le CD est dur à vendre, sauf quand on tourne ou qu'on a des garanties de distribution. Mais on ne tourne pas assez pour presser 1000 CD. Il y aussi le problème de la SDRM, qui double nos frais de production et de pressage.

    B&G : Ce qui est notable sur Q-Sounds, c'est que certains groupes essayent de chanter en français. Par exemple, les Adelians. Et ça sonne très bien !

    LB : Pour être honnête, ça n'était pas naturel pour nous. De par notre âge, on a découvert le hip-hop et la soul uniquement par la musique américaine. Mon éducation musicale s'est faite en  anglais. Après, j'ai découvert des chanteurs comme Eddy Mitchell et Nino Ferrer, ou des yéyés qui ont fait des adaptations de soul. En fait, nous sommes venus à l'écriture en français avec Little Clara. Un jour, après avoir travaillé un morceau en anglais, on a constaté que ça ne sonnait pas bien. Au même moment, j'écoutais un morceau de Tiénou, une chanteuse française que j'adore mais qui a un peu disparu. Je me suis dit que c'était la direction à prendre. Ça a été le déclic, la barrière du français était tombée. Et pour Florence, la chanteuse des Adelians, comme pour tous les jeunes de maintenant, ça ne pose aucun problème de passer de l'anglais au français. Il y moins de frontières, de chapelles, de tribus musicales. Même si, en France, on a quand même un problème avec la pop : on aime trop le texte par rapport à la musique, on fait de la poésie chantée. Georges Brassens, c'est bien, mais sans la musique. Dès que ce n'est pas engagé, qu'il n'y a pas un message, c'est méprisé. Comme les yéyés qui ont fait une pop en français, avec des chansons simples et hédonistes, qui reflétaient leur environnement, des refrains faciles à retenir. Ça n'empêche pas d'avoir parfois une dimension sociale, mais le but c'est quand même de faire la fête, de danser, de bouger sa nuque. Mais attention, écrire de la pop, ça ne veut pas dire écrire des textes inintéressants : il faut aller à l'essentiel. C'est très difficile. C'est un vrai travail d'auteur. Chez Q-Sounds on a d’ailleurs la chance de collaborer avec une auteur/mélodiste super talentueuse qui s’appelle Christelle Amoussou. Elle a travaillé sur tout le répertoire des Adelians, une grande partie de celui de Rebecca Dry & Radek Azul Band, ainsi que sur les 45 tours de Charlène ou encore sur l’album de Carmen Randria.

    B&G : Quelles sont vos actualités pour fin 2016 et 2017 ?

    LB : On va se focaliser sur les Adelians car leur album a été très bien reçu. Pour cet album, on a travaillé avec le label Specific de Metz, qui nous a vraiment beaucoup aidé. C'est un label dirigé par Florian et Jenny, qui s'occupent du magasin La Face Cachée et aussi du label Replica qui fait de la réédition. Comme nous, ils sortent avant tout les disques qu'ils aiment. Ils ont vraiment fait un boulot énorme pour faire connaître l'album et pour le vendre. Les critiques on été très bonnes. On a repressé l'album une fois, ce qui a été une première pour nous. Même si l'album est sorti il y a déjà 8 mois, il n'est pas du tout en fin de vie. On va donc continuer la promotion autour des Adelians. On va aussi sortir un 45 tours gospel de la chanteuse des Adelians. Avec un orgue et une boîte à rythmes, dans un style minimaliste et lo-fi, comme le Why can't we live together de Timmy Thomas. Il y aura une composition originale et une reprise. Ça devrait sortir en novembre. Et le deuxième album de Rebecca Dry & Radek Azul Band sortira en 2017.

    B&G : Vous avez prévu d'organiser des concerts ?

    LB : On trouve les concerts nous-mêmes. On va jouer en Province en octobre et en novembre. On a fait des tournées en Allemagne et aux Pays-Bas. C'est très intéressant, mais ça prend beaucoup de temps et d'énergie car on fait tout nous-mêmes et on a tous des boulots à côté de la musique. On aimerait bien développer cela, avoir des relais. Donc, ça serait bien de trouver un tourneur qui s'occuperait des Adelians.

    B&G : Quel serait ton rêve dans le domaine de la musique ?

    LB : Je veux faire un morceau avec Mary J. Blige. Donc, si elle nous entend …

    B&G : Pas de problème, notre blog est très suivi (rires).

    LB : On aimerait continuer à exister. Fêter nos 10 ans. Rester auto-suffisants, ne pas perdre d'argent. Mais pas forcément en vivre … Si aujourd'hui tu veux monter un label pour l'argent, il faut arrêter tout de suite !

    B&G : C'est quand même paradoxal pour ce style de musique, qui est très populaire à l'origine.

    LB : Oui. La soul 60's est par essence commerciale. Les personnes qui montaient des labels de soul dans les années 60 aimaient la musique mais avaient aussi en tête qu'ils pouvaient devenir riches. On pouvait être un petit label dans un coin paumé et produire un hit. Il y a en France une grande vision romantico-marxiste de la soul et du hip-hop qui est complètement insupportable : on voit ces musiques uniquement à travers l'angle de la revendication et de la révolte. Mais c'est complètement faux. Quand on voit l'exposition « Great Black Music » à la Cité de la Musique, on a l'impression que les noirs ont juste le droit d'être révolutionnaires ; s'ils ne le sont pas, ce sont des nazes. S'il n'y a pas de message, ça ne vaut rien. C'est une vision des choses très colonialiste et raciste : on ne demande pas autant de conscience politique à la musique pop blanche, elle n’a pas besoin de justification ! Il ne faut pas oublier que James Brown a soutenu Nixon, qu'il était pour un capitalisme noir. Sam Cooke était un modèle de réussite à l'américaine : patron de son label, très riche. Dans un morceau emblématique comme Is it because I'm black ? de Syl Johnson, il dit qu'il veut une Cadillac lui aussi ! La plupart des grands chanteurs de soul, dans leurs albums, remercient Dieu et leur famille : ce n'est pas très révolutionnaire comme message. Après, cela n'empêche pas que la soul s'inspire du réel et parle des problèmes qui existent : la guerre du Vietnam, la discrimination,  ... Un des buts de la soul, c'est que ça aille mieux demain, mais dans un demain terrestre. C’est une sécularisation du « ça ira mieux demain (dans l’au-delà) » propre au gospel, sans forcément changer de paradigme politique.

    B&G : Qu'est-ce que tu écoutes en ce moment ?

    LB : Daptone est en tête. Ils ont un son, ils ne se contentent pas de faire du revival : ils ont intégré la culture hip-hop, tout en faisant une soul à l'ancienne. Chez Daptone, j'aime beaucoup The Budos Band. J'écoute toujours beaucoup Curtis Mayfield : il est mon Dieu ! JC m'a fait écouter un super morceau house de Louie Vega, Just the way I like it. En hip-hop, j'aime bien le dernier album d'Anderson .Paak, « Malibu ».

    B&G : Quelle serait ta playlist idéale soul idéale ? Un top 10 par exemple ?

    LB : C’est un choix impossible à faire en vrai ! En vrac et sous l’inspiration du moment :

        - Marvin Gaye & Tammie Terrell : Ain’t no mountain high enough

        - Gene Chandler : Nothing can’t stop me now

        - Syl Johnson : Wind blow her back my way

        - Doris Duke : I’m the looser

        - Curtis Mayfield : Right on for the darkness

        - Jackie Wilson : Whispers (getting louder)

        - Mary J Blige : Reminisce

        - Anthony Hamilton : Ain’t nobody worryin’

        - The MVP’s : Turning my heartbeat up

        - Eddy Mitchell: Toi sans moi

        - Sharon Jones & the Dap Kings : The Game gets old

        - Otis Redding : The dock of the bay

    Désolé, il y en a douze …

    B&G : On va terminer avec l'interview « Dernier Coup ». Dernier coup de cœur ?

    LB : La reprise gospel qui figurera dans le 45 tours de Florence, la chanteuse des Adelians. C'est un morceau assez obscur de James Bynum, We are in need.

    B&G : Dernier coup de blues ?

    Lb : Récemment, je suis tombé sur Trace TV vers 2h du matin. Ça m'a  vraiment déprimé. Honnêtement, si j'étais tombé là-dessus quand j'étais jeune, je n'aurais jamais écouté de hip-hop.

    B&G : Dernier coup de rouge ?

    LB : Je ne bois pas de rouge. Que du Coca. Mais du Coca rouge, classique.

     

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  • Interview de Gaspard Royant (21 juin 2016).

    Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

    21 juin, jour de Fête de la Musique. Quelques heures avant son concert sur la scène éphémère d'une place Dauphine chèrement décorée, nous avons pu nous entretenir avec un Gaspard Royant à qui tout réussit en ce moment. Après un premier album - "10 Hits Wonder" - qui mettait à l'honneur le rock et la pop des années 50 et 60, son nouvel effort "Have You Met Gaspard Royant ?" se veut plus arrangé, plus ambitieux : il s'est aventuré en territoire Northern Soul, bien épaulé à la production par Edwyn Collins, sans renier ses premières amours sur quelques ballades et slows subtilement incorporés ...

    Interview de Gaspard Royant, 21 juin 2016

    Baptiste & Gérald : Quel est ton parcours musical ? Quand as-tu commencé la musique ?

    Gaspard Royant : J'ai commencé la musique par le saxophone, en harmonie municipale. Je trouvais ça classe : j'avais en tête les photos des jazzmen. Ensuite, je me suis rendu compte qu’en jouant du saxo on ne pouvait pas faire autre chose … C'est pour cela que je suis passé à la guitare, vers 14 ans. C'était l'explosion de la britpop. Je voulais apprendre les morceaux d'Oasis et de Blur.

    B&G : Tes parents étaient musiciens ?

    GR : Non. Mais ils étaient mélomanes. J'ai écouté les disques de mon père : Pink Floyd, Elvis, ...

    B&G : Quand est-ce que tu as commencé à composer des chansons ?

    GR : J'ai toujours joué dans des groupes, depuis le collège. En 2006, je n'étais pas très heureux avec le groupe dans lequel j'étais, j'avais envie de garder des chansons pour moi, de les jouer de manière dépouillée, juste guitare – voix. Je les essayées dans des bars, je voulais voir comment je débrouillais tout seul. C'est comme cela l'aventure solo a démarré.

    B&G : Dans ton nouvel album "Have You Met Gaspard Royant ?", tu as ajouté une touche Northern Soul au rock 50's / 60's du premier album. Par exemple sur New Religion ou Speed Your Heart. C'était une volonté de ta part ?

    GR : Tout à fait. Sur mon premier album, le dernier morceau que j'ai écrit était Europe, qui est très arrangé, avec des cuivres et des chœurs. J'ai eu envie de continuer dans cette veine-là. J'écoutais beaucoup de soul à cette époque, je souhaitais aller vers un son très riche, vers une orchestration luxuriante à la Motown. C'était aussi un défi personnel : sur le premier album, je faisais une musique que je connaissais, je savais où j'allais ; je n'avais jamais écrit de chansons soul et je voulais savoir si j'en étais capable.

    B&G : Irvine Welsh vient de sortir « Skagboys », qui est une préquelle à « Trainspotting ». Dans ce roman, les personnages écoutent beaucoup de Northern Soul, par exemple dans une scène située à Blackpool. On s'est dit que ton nouvel album pourrait être la B.O. de l'adaptation cinématographique de « Skagboys ».

    GR : Merci beaucoup ! La Northern Soul est une période pas très connue, temporellement très courte, géographiquement très limitée. C'est intéressant et passionnant de voir comment s'est créée cette sous-culture, avec un foisonnement incroyable et des codes très précis.

    B&G : Tes chansons ont d'ailleurs souvent un côté cinématographique. Hard Times par exemple.

    GR : J'ai grandi dans une double culture musique et cinéma. Donc, j'ai autant de références et d'influences musicales que cinématographiques.

    B&G : Edwyn Collins semblait tout désigné pour la production de ton nouvel album. Comment l'as-tu contacté ?

    GR : Effectivement, il a grandi dans la Northern Soul. Après le premier album, j'ai signé chez Sony, et je savais que j'aurais accès à des producteurs réputés. J'ai donné quelques noms à la maison de disques, dont Edwyn Collins. On l'a contacté, on lui a envoyé les démos, ça l'a intéressé. Ensuite, nous nous sommes rencontrés à Londres : nous nous sommes rendus compte que nous avions les mêmes influences. Sur les démos, ce qu'il entendait, c'est ce que j'avais voulu faire.

    B&G : Comment s'est passé l'enregistrement avec lui ? Il t'a aidé à peaufiner les morceaux, il a amené une touche personnelle ?

    GR : Je suis arrivé en studio avec certains morceaux très avancés et d'autres moins. Mais ce que je voulais d'abord, c'était le son : qu'il me garantisse le son que je fantasmais, et qu'il me garantisse aussi la qualité des arrangements. Il est allé chercher des musiciens avec qui il a l'habitude de travailler : les cuivres des Dexy's Midnight Runners, des super cordes, deux choristes incroyables qui sont des chanteuses gospel. Il m'a aussi permis de corriger des petites choses un peu bancales : par exemple une ligne de basse qui ne fonctionnait pas sur une chanson… Il est très fort pour détecter cela et trouver des solutions.

    B&G : Comment se passe la transposition sur scène de ce nouvel album ?

    GR : Au début, j'avais un peu peur car on n'avait quasiment jamais joué ces chansons sur scène avant de les enregistrer. Comme il y a beaucoup d'arrangements, on se demandait aussi comment elles allaient tenir sur scène. Il a fallu les adapter et les délester. Là, je suis vraiment content car on a trouvé la bonne formule.

    B&G : Summer's Gone est une très belle ballade. Un mélange de guitares à la limite de la country, de chant à la Elvis en mode crooner, et d'arrangements très luxuriants comme tu le disais précédemment.

    GR : C'est une de mes chansons préférées. J'aime beaucoup ce morceau, je voulais quelque chose de large, d'ambitieux, d'agréable.

    B&G : Night in the City est une autre ballade très réussie, dans le style de Buddy Holly. Elle évoque Johnny Marr et Morrissey. Le groupe The Smiths a été une influence pour toi ?

    GR : Oui. Je pense que j'ai écouté les mêmes disques que Morrissey et Marr, que nous avons des influences musicales communes. Leur duo de songwriters était exceptionnel, certaines chansons des Smiths étaient tout simplement magnifiques. Morrissey est un gars qui me fascine totalement. Sur scène, je lui ai d'ailleurs piqué pas mal de petits trucs.

    B&G : Les premiers accords rappellent Earth Angel des Penguins (lien YouTube), que Marty Mc Fly joue dans le film "Retour Vers le Futur".

    GR : Oui. C'est le même corpus de chansons. J'avais envie de faire un slow à la Platters.

    Interview de Gaspard Royant, 21 juin 2016

    Concert de Gaspard Royant à La Maroquinerie le 11 avril 2016

    B&G : Certaines chansons font aussi penser aux groupes anglais des 60's : Cutest in Town, et le début de Hard Times qui a un côté The Who. D'ailleurs, sur scène, toi et ton groupe, vous nous rappelez un peu les Who des débuts et les groupes mods.

    GR : Merci. Ça me fait vraiment plaisir. Des groupes comme les Who et les Kinks font partie de nos références. Avec mes musiciens, on part du principe que, sur scène, nous n'utilisons rien d'autre que nos instruments : pas de SPD, pas de bandes. Dans beaucoup de concerts auxquels je vais, je m'ennuie un peu : les musiciens semblent enchaînés à leurs bandes. J'ai envie de l'inverse : sur scène on est un groupe de rock, et le but du jeu c'est de défourailler.

    B&G : 7" Club est une chanson soul à la limite du ska, un peu dans la lignée de The Specials ou de The Dead 60's, avec une rythmique très syncopée.

    GR : C'est un morceau qui sonne très anglais, un peu mauvais garçon, un peu prétentieux.

    B&G : On te rencontre un 21 juin, jour de l'été. Quelle serait ta playlist idéale pour l'été ?

    GR : - Weezer : Photograph (lien YouTube)

    - Bobby Hebb : Love Love Love (lien YouTube)

    - MGMT : Time to Pretend (lien YouTube)

    - Van Morrisson : Brown Eyed Girl (lien YouTube)

    - Neutral Milk Hotel : In The Aeroplane Over the Sea (lien YouTube)

    B&G : On va finir avec l'interview « dernier coup ». Dernier coup de cœur ?

    GR : La dernière chanson de Johanna Wedin et Jean Felzine, Je t'Aurai. La mélodie est très jolie.

    B&G : Dernier coup de blues ?

    GR : Pas de coup de blues en ce moment. A part peut-être le matin, quand je me réveille et que je vois le temps ...

     B&G : Dernier coup de rouge ?

    GR : C'était hier soir dans notre local de répétition. Il y fait 140°. Donc on boit. Et ça finit très mal.

     

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  • Interview de Sébastien CREPINIOR, du groupe Thesaintcyr (22 février 2016).

    Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

    Rencontre avec Sébastien Crépinior, hyperactif de la musique, passionné de post-punk et de new wave, et chanteur du groupe Thesaintcyr, qui sera à l'affiche de la deuxième édition de "This is French Pop" le vendredi 11 mars.

     

    Interview du groupe Thesaintcyr, 22 février 2016

    LA MUSIQUE, UN SACERDOCE

    Baptiste & Gérald : Sébastien, nous t’avons connu il y a un an à l’occasion de la première édition de « This is French Pop ». Et, depuis, on a constaté que tu es impliqué dans de très nombreux projets : le groupe Thesaintcyr, l’organisation de concerts, l’animation d’émissions de radio, … On a l’impression que tu es un hyperactif de la musique. Comment arrives-tu à faire tout cela ?

    Sébastien Crépinior : Vous m’avez bien défini. Je suis vraiment hyperactif, je cours tout le temps. Attention, même si je ne calcule pas ma dépense d’énergie, je réfléchis à ce que je fais, je ne cours pas n’importe comment, dans n’importe quelle direction (rires). Et, de temps en temps je reste chez moi, les volets clos, car je suis épuisé et j’ai besoin de recharger mes batteries. C’est un peu comme un sacerdoce, une mission. Je ne vis que pour la musique. Quand j’étais petit, et que je me promenais avec ma mère dans un supermarché, j’étais captivé par la musique ambiante. C‘est génétique : mon demi-frère Boris, qui a connu la fameuse scène new wave de Rennes, musicien d’Etienne Daho et d’Ubik, a peut-être inconsciemment creusé les sillons pour moi.

    UN HYPERACTIF DE LA MUSIQUE.

    B&G : On imagine que tu as dû commencer à prendre des cours de musique assez tôt ?

    SC : Oui. A cinq ans, ma mère m’a inscrit à des cours de piano. Je rêvais déjà de musique, même si c’était inconscient. Ensuite, vers 12 ans, c’est devenu plus conscient, et puis j’ai découvert très tôt beaucoup de groupes new wave. Depuis, je n’ai jamais cessé d’être actif musicalement et j’ai voulu que ma vie tourne entièrement autour de la musique.

    B&G : Tu peux nous parler plus précisément des projets dans lesquels tu es impliqué actuellement ?

    SC : Il y a déjà les émissions de radio. Je participe au Tohu-Bohu sur Radio VL. C’est une émission assez qualitative et pointue animée par Clément Bustelo, dans laquelle on parle d’artistes indé, dans différents styles musicaux : les musiques urbaines, hip-hop et soul, l’électro, le post-punk, la pop, … J’interviens aussi dans Fréquence Guasch sur IDFM Radio Enghien, une radio généraliste animée par le Yeti. Cette émission, qui dure 2 heures et qui est diffusée tous les jeudis, est consacrée à la new wave et au post-punk.

    B&G : Tu participes aussi à Indézine

    SC : Oui. J’ai participé à sa création. C’est un journal papier de type fanzine. Coïncidence malheureuse, on avait rendez-vous pour démarrer le journal le jour même des attentats de Charlie Hebdo. C’est un peu fou de se lancer dans un journal papier aujourd’hui. Beaucoup de personnes ont apporté leur contribution, dont Alain Crabot, qui était le premier directeur des maisons de la culture à Paris, qui a travaillé avec Nino Ferrer entre autres. Nous avons également eu le soutien de Pierre Mikaïloff. Vincent, le rédacteur en chef d’Indézine, doctorant en philosophie, ancien animateur de radio sur Radio Campus Bretagne, a aussi son propre groupe Trouble Nocturne. Félix, de Central Express, est aussi le programmateur de la Féline. Sans oublier Guillaume, du même groupe, qui assure la mise en page, ainsi que d’autres intervenants du milieu indé.

    B&G : Toi aussi, tu organises des concerts …

    SC : Je suis directeur artistique du Buzz, à Belleville. Hier soir, j’ai assisté à un super concert : Helicon, un excellent groupe psyché de Glascow. J’organise aussi des concerts dans d’autres lieux, comme la Petite Maison, un squat artistique du quartier Charonne.

    B&G : Quels sont les concerts qui t’ont marqué, parmi ceux que tu as organisé au Buzz ?

    SC : Last Night, le groupe de Pat, le bassiste de Frustration. Crimson Muddle, un groupe gothique exceptionnel. Trouble Fait’, un groupe de Lille qui est assez connu en Angleterre.

    B&G : Et TSC Records ?

    SC : C’est un label associatif. Le but est de produire et d’éditer à petite échelle. Je vais éditer en support physique une compilation de reprises de Joy Division, à laquelle on a participé avec Thesaintcyr (pour la reprise d’Atmosphere). Et produire les groupes Peur Secrète et Trouble Nocturne. J’organise aussi la sélection de groupes pour un festival écologique dans l’Aube (Eco Rock Aldo’s), avec le collectif  City Rock.

    THESAINTCYR

    B&G : On en arrive à ton groupe Thesaintcyr. Comment a démarré l’aventure ?

    SC : C’est mon premier groupe. Au départ, c’était un duo, avec un ami, Yann Bellot, qui venait des Beaux Arts. L’idée de départ, c’était de faire de l’art total, inspiré de la Factory : mélanger la musique, la poésie et les arts graphiques. On faisait des concerts dans des galeries d’art contemporain. On jouait une musique très minimaliste, dans un esprit no wave, entre James Chance et  Suicide.

    B&G : Pourquoi le nom Thesaintcyr ?

    SC : Il y a plusieurs explications. Mon surnom, c’était Creps, mon ami s’appelait Yann, et il y avait une autre personne avec nous qui s’appelait Rodolphe. Les initiales mises bout à bout, ça donne CYR.  Thesaintcyr, je trouve ce nom assez beau au niveau graphique.

    B&G : Une fois cette première formation en duo terminée, que s’est-il passé ? Comment t’ont rejoint les membres actuels du groupe ?

    SC : Flora a rejoint Thesaintcyr en tant que bassiste en janvier 2010, six mois avant le départ de Yann.  Le point de départ du groupe actuel (Flora, José et moi), c’est le douzième anniversaire du Batofar, le 15 février 2011. José a intégré le groupe pour jouer à cette occasion. Il y avait une très belle affiche : Prohom et le groupe Lazare, avec des musiciens de Supergrass et le batteur de Julian Lennon. On a eu de très bons retours sur notre concert. Et on a décidé de continuer et d’enregistrer notre premier album « I’m waiting for the black day ».

    Interview du groupe Thesaintcyr, 22 février 2016

    B&G : Tu connaissais José et Flora ?

    SC : Oui. C’est une histoire de famille. José est mon frère. Et Flora est la petite amie du frère de ma compagne.

    B&G : Quel est leur parcours ?

    SC : Flora a fait des études philosophie, elle s’intéressait beaucoup au théâtre et à la musique et hésitait entre les deux. Finalement, elle a tranché et choisi la musique. C’est une excellente guitariste et bassiste, et aussi une pianiste très douée. Elle a démarré la musique très jeune, elle a toujours baigné dans cet univers. Pendant les concerts, elle passe de la guitare à la basse. Quant à José, c’est un pianiste classique qui aime aussi beaucoup la musique électronique et le travail sur les sons.

    B&G : Comment se passe la composition des morceaux ?

    SC : C’est assez collégial. La création se fait souvent en répétition. Quand on ne peut pas se voir physiquement, on enregistre une idée et on l’envoie aux autres, puis chacun y apporte une touche. Pour ma part, je trouve souvent une mélodie avec ma voix. Mais, tant qu’on ne l’a pas joué ensemble en répétition, ce n’est pas un morceau de Thesaintcyr.

    B&G : Comment s’était passé l’enregistrement du premier album de Thesaintcyr, « I’m waiting for the black day ».

    SC : J’étais déjà allé en studio pour travailler avec d’autres groupes, par exemple pour faire un peu de clavier et chanter sur des projets. Mais, là, c’était la première fois avec un projet personnel, en tant qu’auteur – compositeur. C’était un aboutissement, avec des morceaux qu’on jouait parfois depuis longtemps en concert, qui avaient mûri petit à petit. On a enregistré au studio du Poisson Barbu, avec Léonard Mule comme ingénieur du son, et qui, en pratique, avait un vrai rôle de réalisateur.

    B&G : Comment définirais-tu la couleur de ce premier album ?

    SC : L’influence principale était la new wave, en particulier Marquis de Sade. Mais il y avait aussi d’autres influences : le cabaret, le ska, des réminiscences gothiques. Même s’il y avait une ligne directrice, il y avait des écarts assez importants entre les chansons. Cela pouvait être déstabilisant, c’était un peu compliqué de rentrer dedans. Mais des personnes ont compris notre musique, ont cru en cet album et nous ont beaucoup aidé : Xavier Chezleprêtre de l’agence Attitude, qui est devenu notre attaché de presse web.  Mike Mercer, un très bon journaliste du Melody Maker, et  Marco Rocha, qui a une radio au Pérou et à New York, ont diffusé nos titres.

    BIENTÔT UN DEUXIÈME ALBUM

    B&G : Vous travaillez actuellement sur votre deuxième album ?

    SC : Oui. Ca fait environ un an et demi environ que l’on réfléchit à ce deuxième album. Nous sommes largement dans les temps, on dispose de premix très avancés. On va arriver bientôt en studio avec des certitudes. L’album sera plus produit, avec plus d’arrangements, avec des idées et des nuances qu’on n’avait pas pu exprimer auparavant. Les chansons seront plus posées, douces et mélodiques. J’ai fait une belle rencontre avec Pascale Le Berre, ex Marc Seberg et Philippe Pascale, qui a aussi travaillé avec Alan Stivell, Alex Beaupain ou Steve Hewitt, qui a accepté de le réaliser. On a choisi d’enregistrer au studio La Chocolaterie : Pascale connaît très bien l’ingé son Clive Martin, qui a collaboré avec Marc Seberg et The Cure pour ne citer qu’eux. Pour l’instant, on n’a pas encore fixé de date pour sortir cet album. Et on ne sait pas encore avec qui on le sortira.

    B&G : Quels sont les groupes qui t’ont donné envie de faire de la musique ?

    SC : The Cure, The Smiths, The Specials, Run Dmc. Je trouve que Robert Smith est vraiment d’un professionnalisme incroyable. J’aime aussi beaucoup Morrissey. Il est unique, avec une poésie et une sensibilité extrêmes. Quand j’écoute Everyday is like Sunday ou There is a light that never goes out, ça me fait pleurer.

    B&G : Et plus récemment, quels sont les groupes qui t’ont marqué ?

    SC : Motorama, Savages, Chvrches, The Soft Moon, She Past Away. En France, j’aime bien Giirls.

    INTERVIEW DERNIER COUP

    B&G : On va finir l’interview avec le traditionnel questionnaire « Dernier Coup ». Dernier coup de cœur ?

    SC : Hier. Pour le groupe écossais Helicon. Pour la musique et pour les personnes, qui sont disponibles et adorables. La grande classe.

    B&G : Dernier coup de blues ?

    SC : La rue de la fontaine au roi. A cause des attentats et du gars qui a vendu sa vidéo aux journalistes …

    B&G : Dernier coup de gueule ?

    SC : C’est lié au manque de soutien des institutions pour le milieu indé ! Ce qui a pour conséquence de laisser beaucoup de groupes sur le côté, qui ne peuvent pas terminer leur projet.

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  • Interview du groupe Nevski, 15 février 2016.

    Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

    Photos d'Olivier REBECQ.

    Denis a une nouvelle fois ouvert les portes de son Temple Bar à Little John’s Pop Life. Le groupe Nevski ouvrira la deuxième édition de This Is French Pop le 11 mars prochain. C’est justement au Pop In que nous avons retrouvé Rodolphe et Quentin, les fondateurs du groupe. Deux types qui se connaissent à la perfection, semblables et différents à la fois… Une ambiguïté de plus dans l’océan d’incertitudes qui traversent cette jeune formation musicale, l’idéal pop-indé demeurant certainement le seul invariant autour duquel ils se (nous) promènent.

     

    Interview de Nevski, 15 février 2016

    Baptiste & Gérald : Nous vous avions mis dans notre playlist de novembre après avoir écouté votre premier EP « Nevski ». Vous jouerez lors de la soirée This Is French Pop #2, c’est donc l’occasion pour nous et pour nos lecteurs de vous connaitre un peu mieux. Dans quel contexte avez-vous fondé Nevski ?

    Rodolphe : On peut déjà remonter à nos premiers émois musicaux. En ce qui me concerne… J’en sais rien ! Je dirais peut-être le générique de Nounours. Sinon, plus sérieusement, vers 10 ans, j’ai écouté les disques que j’avais sous la main à la maison : les Pixies, le Velvet Underground. Mes parents étaient pas très branchés variét’. C’est venu assez spontanément. Et puis, à 11 ans, je ressors une vieille guitare qui était dans le grenier, une guitare sèche à 500 francs, pas terrible. Un ami de mes parents m’a appris à poser quelques accords au début, et il y avait internet… Mais je n’ai jamais vraiment pris de cours.

    Quentin : Je rencontre Rodolphe à ce moment-là justement, en 6ème. C’est plutôt Rodolphe qui m’a fait vraiment découvrir la musique. Je passais beaucoup de temps chez lui, quand on habitait à Rouen. Mes premiers émois musicaux : les morceaux de Nirvana ! (rires) C’est le premier groupe que j’ai suivi et sérieusement écouté.

    R : C’est trop bien mais ça craint.

    Q : Cela dit, quand on se rencontre, je n’ai encore jamais touché un instrument. Rodolphe quant à lui, même s’il n’a pas commencé la guitare depuis très longtemps, a déjà un bon niveau. Il m’apprend à jouer, sur son affreuse guitare sèche, qui était si peu maniable que je devais la poser sur mes genoux. Il m’a fallu un peu plus de temps pour que je me mette sérieusement à apprendre à jouer : vers l’âge de 15 ans, j’ai pris des cours. A cette époque on chantait les chansons de Rodolphe, on formait déjà une sorte de duo. On ne s’est jamais lancé dans un projet de reprises. Et cela perdure : j’ai la particularité de ne savoir jouer aucune chanson à part celles du groupe !

    R : Dès que j’ai commencé à jouer, j’ai voulu composer mes propres morceaux. A l’époque on voulait surtout ressembler à des groupes comme les Strokes ou Franz Ferdinand.

    DU CHIEN FAUVE A NEVSKI EN PASSANT PAR BALLADUR 95

    B&G : On voit que vous avez commencé à jouer et à composer très jeunes, au début du collège, mais à quel moment décidez-vous de former Nevski ?

    R : L’idée de créer un vrai groupe a surgi il y a trois ou quatre ans seulement. On a fait quelques concerts ensemble, en duo, et puis j’avais un autre groupe au collège. On était une bande d’amis, on formait des pseudo-groupes en permanence.

    Q : Oui c’est tout à fait ça : je faisais par exemple un duo avec une fille de ce groupe de potes. Et puis un jour on a fait un super-groupe qui s’est appelé Castleton Garden !

    B&G : Avec du recul, quel jugement portez-vous sur ces premières compositions ?

    Q : Je les ai toutes quelque part dans mon ordinateur. On les a réécoutées il n’y a pas si longtemps d’ailleurs, et ce qui apparaît clairement ce sont nos influences. L’auditeur sait directement ce que nous écoutions à cette période : ce sont nos compositions, mais cela ressemble à des copies. C’est très référencé.

    B&G : Cela nous amène aux années lycée, vous continuez de faire des concerts en duo ?

    R : Oui, et on sort également une chanson dans une compil’ produite par un Américain qui en publiait à la chaîne. On est en seconde à ce moment là. On rencontre une Japonaise dont l’un des titres figurait sur la même compil’, et elle nous décroche une date à Paris – alors que c’était à nous de lui trouver une salle ! C’est notre premier concert tous les deux.  C’était dans le 20ème, au Rigoletto Théatre. J’en garde un très bon souvenir.

    Q : On a joué devant une trentaine de personnes. Un public attentif. Des types avaient fait nos réglages avant le concert. On était dans de bonnes conditions.

    R : Après le bac, on a dû arrêter de jouer, parce qu’on a été séparés géographiquement : je suis parti à Pau, en prépa, et Quentin est allé à Paris. Mais on n’a pas eu de nouveaux projets. On a continué à s’envoyer nos idées de compo.

    Q : Rodolphe vient ensuite à Paris, on prend une colocation. Et là on a vraiment eu envie de faire un groupe : davantage de discipline, davantage de répèt’. On décide de s’appeler Le Chien Fauve, puis on change et on se renomme Balladur 95. On a traîné ce nom jusqu’à l’enregistrement de l’EP qui sortira en 2013 sous notre nom actuel, Nevski. J’adore les grandes figures militaires.

    Interview de Nevski, 15 février 2016

    B&G : Vous êtes pourtant quatre sur scène…

    Q : Simon, le batteur, est un ami d’enfance d’un bon copain à moi que j’ai rencontré en école d’architecture. Je croisais souvent Simon, je savais qu’il écoutait beaucoup de musique, qu’il en faisait aussi. Rodolphe était parti en Erasmus en Allemagne à ce moment-là. Il était venu passer quelques jours à Paris, et au cours d’une soirée où j'avais invité Rodolphe – c’était le jour de la fin du monde d’ailleurs, le 21 décembre 2012 – il a rencontré Simon. Ils ont pas mal discuté et le courant est bien passé. Il a fait le conservatoire et c’est un excellent batteur, il introduit beaucoup de subtilités. Six mois après cette soirée, en juillet 2013, on enregistre tous les trois l’EP « Nevski ».

    R : Ceci dit, pour l’enregistrement de l’EP, on a tout fait très rapidement, sans vraiment prendre le temps de répéter. Les arrangements, par exemple, ne sont pas vraiment maîtrisés, on a fait ce qui nous venait en tête…  Maintenant on aurait un son plus… dégueulasse.

    Q : Un peu comme sur “Surfer Rosa” des Pixies, où tu as l’impression qu’un type joue de la batterie dans ta cuisine.

    R : Et avec Julien, on s’est rencontrés à Pau où a fait une partie de nos études. On a pas mal discuté de musique et on est devenus potes. Quand il a débarqué à Paris l’année dernière, on lui a naturellement demandé de nous rejoindre et ça a tout de suite marché. On a sensiblement les mêmes goûts, et il est passé super facilement de la guitare, son instrument au départ, à la basse.

    L’EP « NEVSKI » SORT EN 2015 SUR LE LABEL FAMILIAL OUT OF MAP.

    B&G : Passons en revue les morceaux de votre EP.

    R : La plus vieille c’est En Angleterre, dont le texte était en anglais à l’origine. C’est dur d’écrire en français, tout d’abord et tout simplement parce qu’il n’y pas de barrière avec le public, la compréhension immédiate. L’idée c’était aussi et surtout d’être sincère, dans une posture résolument pop.

    Q : La vraie difficulté c’est de chanter en français, sans chanter en français… Les livres qu’on lit sont plutôt les classiques du XIXème siècle, ce n’est pas évident d’écrire quelque chose qui ne soit pas surfait. Au début, j’avais tendance à essayer d’écrire des textes dans le style des livres que je lisais.

    B&G : Ensuite il y a Alligator

    R : C’est avec ce morceau que l’on a commencé à jouer avec Simon. J’avais envie de faire un texte un peu con. Et puis il y a Les Rives de la Volga. On l’avait joué quand on s’appelait Le Chien Fauve. Le Jardin, la dernière chanson de l’EP, est également la dernière composée au moment de l’enregistrement. On a passé beaucoup de temps sur celle-ci ; il y a beaucoup de difficultés au niveau des harmonies vocales…

    UN ALBUM EN 2016, PRÉCÉDÉ DU SINGLE PACIFIQUE.

    B&G : Quand vous aviez joué au Chat Noir (cf. live report), vous nous aviez parlé d’un album à paraître dans le courant de l’année 2016, c’est toujours d’actualité ?

    R : On va déjà sortir un single qu’on va enregistrer nous-mêmes. Le titre s’appelle Pacifique. On l’avait joué au Chat Noir. Si nous sommes contents du résultat, on fera le reste nous-mêmes, sinon on partira dans un vrai studio.

    Q : Les chansons qu’on a prévues de mettre dans l’album sont dans la même lignée que celles de l’EP, mais sont en même temps très différentes: ce sont des chansons que l’on arrange et que l’on répète vraiment à quatre cette fois. On aura plus le temps de travailler chacune des parties et de trouver un son qui nous plait. Il y aura plus de guitare électrique aussi… Le son sera un peu plus bordélique, dans le sens spontané, il faut que ça sonne vrai. 

    B&G : Vous écoutez quoi en ce moment, y compris des choses non avouables ?

    R : Ce matin j’écoutais les Clash. Et puis Séverin, son dernier album "Ca ira tu verras" est pas mal du tout. Hospitality, Motorama aussi. Du côté des choses non avouables, Eddy Mitchell. Je suis en train de déraper là. 

    Q : Je viens de finir la biographie de Sonic Youth, alors j’écoute toute leur discographie en ce moment. Joy Division aussi. Et hier j’ai reçu un vinyle de Pavement.

    B&G : Pour la première fois, car nous avions fait l’interview dernier coup avant votre concert au Chat Noir, nous allons faire l’interview premier coup. Premier coup de rouge ?

    R : A la fin du collège, c’était la veille d’un concert des Strokes qu’on était allé voir. J’étais pas bien du tout. Mauvaise expérience… J’ai du mal à réaliser que j’ai pris ma première cuite à ce moment-là… (rires)

    Q : En ce qui me concerne, ça devait être chez Rodolphe, j’avais 14-15 ans. La veille du concert des Strokes, j’étais sorti aussi, mais j’étais rentré plus tôt que Rodolphe !

    B&G : Premier coup de cœur ?

    Q : Rape Me de Nirvana !

    R : Tout l’album « In Utero » [troisième album de Nirvana, sorti en 1993], c’est le premier disque que j’ai acheté. J’aimais beaucoup les Pixies à l’époque aussi, j’étais allé les voir en concert, en première partie des Red Hot, au Parc des Princes.

    B&G : Premier coup de gueule ?

    R : Ce concert des Red Hot justement ! J’étais pas content du tout, alors que j’avais presque pleuré pour le concert des Pixies.

    Q : Le troisième album des Strokes, déception.

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  • Interview du groupe ALGO - 29 janvier 2016.

    Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

    Photos d'Olivier REBECQ.

    Rencontre avec Sylvain, le chef d'orchestre du groupe ALGO, qui a sorti récemment "The Misunderstanding", EP de 5 titres explorant une pop orchestrale, baroque et élégante, quelque part entre Belle & Sebastian et The Divine Comedy.

    Interview du groupe ALGO, 29 janvier 2016

    Baptiste & Gérald : Quel est ton parcours musical ? Comment se sont développés tes liens avec la musique ?

    Sylvain : Ma mère écoutait beaucoup de musique. En particulier Abba, les Bee Gees et les Beatles. Elle vient du Laos et là-bas les Beatles étaient des grandes stars : ses frères voulaient absolument leur ressembler, ils mettaient des mouchoirs mouillés sur la tête pour avoir les cheveux bien raides et se faire une coupe au bol parfaite. Je me rappelle qu'on chantait I Started A Joke des Bee Gees.

    B&G : Quand as-tu commencé la musique ?

    S: J'ai rejoint la fanfare du village, quand j'étais petit, vers 8 ans. J'ai fait du solfège et j'ai trouvé ça chouette Je me suis mis au saxophone. Je suis passé de l'alto au ténor, puis au baryton. Puis le collège est arrivé. Après avoir écouté plein de merdes, je suis tombé sur une cassette de l'Unplugged de Nirvana : je me suis dit « Waouuh ! ». En 3ème, c'était la guerre Oasis – Blur. « (What's the Story) Morning Glory ? » est le premier CD que j'ai acheté.En 1997, j'ai commencé à monter des groupes pour jouer de la britpop, à reprendre des chansons d'Oasis et de Nirvana, puis à composer mes premières chansons. J'ai appris tout seul la guitare. Mes parents m'ont dit : « si tu as un 2ème instrument et que tu n'en joues pas, il n'y en aura pas de 3ème. » Donc je m'y suis mis à fond ah ah. En fait, j'apprenais en regardant les numéros des tablatures. Au début, je jouais juste une ligne sur les six. Je me suis mis à poser tous les doigts en pensant vertical et de la manière qui me semblait la plus logique possible. Et je me suis rendu compte avec un pote qui apprenait des trucs comme les Guns N' Roses que j'avais trouvé tout seul les bonnes positions des accords. C'est ma première grande satisfaction de musicien ! Au lycée, on a continué à faire de la musique avec le groupe : on a fait des tremplins locaux, on a joué au Bateau Ivre, la grosse salle de Tours qui a malheureusement coulé, sans jeu de mots. Ensuite, j'ai rencontré Marion (aka Mesparrow).  Elle était en Arts Appliqués et elle avait une super voix. A cette époque, j'écoutais beaucoup The Auteurs. A la fin d'une cassette de mon ami Julien sur laquelle il avait enregistré une black session des Auteurs, il m'avait mis deux morceaux du premier album de Placebo. J'ai trouvé ça génial et on a monté un groupe de noisy pop, Moonshine, avec Marion en tant que chanteuse principale. Ça a duré cinq ou six ans, de la fin du lycée jusqu'à la fac. On a fait pas mal de concerts dans les environs de Tours et on a sorti un CD. Plus tard, on a refait un projet folk. A cette époque, on voyait beaucoup de concerts à Vendôme, en particulier dans le cadre des Rockomotives et à Tours : Calc, le groupe de Julien Pras, Deus, Venus, Calexico … Ca nous a donné plein d'envie. On a enregistré un 5 titres qui n'est jamais sorti . Je suis ensuite monté à Paris et j'ai eu d'autres groupes. C'est là que j'ai rencontré Lyssalane. Je leur ai demandé s'ils ne cherchaient pas un guitariste. Mais ils en avaient déjà trois... Donc, je leur ai dit que je jouais aussi de la basse, du piano, … J'ai passé une audition et ça été une grande histoire pendant 3 ans. On a sorti 2 EP puis le groupe a splitté. Richard, le batteur, est parti jouer avec Owlle, la chanteuse. Maintenant il est notamment avec Adrien Soleiman et il a créé son label, Hylé Tapes. Vincent compose de la musique de films, et Mathieu, de son côté, a monté le groupe Odds & Ends. Moi j'ai monté ALGO, accompagné par Eric, mon « frère », qui m'a suivi depuis la fin de Lyssalane.

    B&G : Quelle est la signification du nom ALGO justement ?

    S: C'est l'acronyme de « A Light goes Out », qui était le nom du groupe au départ. C'est une référence à la fois à There Is A Light That Never Goes Out des Smiths et à Lights Off des Dears, l'histoire d'un mec qui se réveille à 5 heures du matin, qui n'arrive pas à dormir et qui se pose trop de questions existentielles. ALGO, c'est un peu un mélange entre ces deux chansons, entre la déclaration d'amour et la crise de la trentaine.

    B&G : Comment et pourquoi as-tu lancé cette nouvelle aventure musicale ?

    S: Vers 2011, j'ai eu envie de me remettre à la composition, de faire une musique plus orchestrale, avec des cordes notamment. Ca faisait longtemps que je n'avais pas composé, et je souhaitais exprimer  plein de choses . Comme c'est difficile de trouver des instruments à cordes, au début, je me suis débrouillé avec d'autres musiciens   De fil en aiguille, Eric et moi nous nous sommes retrouvés seuls. On avait sorti un EP 3 titres avec des cordes en numérique puis on a enchaîné avec un 2ème EP, cette fois avec un ami trompettiste et moi au piano. Ça avait un peu plus d'allure, ça sonnait plus authentique. Petit à petit, on s'est construit un réseau parisien, où la rencontre avec les Balades Sonores nous a beaucoup aidés. Tous ces contacts m'ont donné envie de continuer. Puis je suis parti sur internet à la recherche d'autres musiciens. On a joué pendant un an avec un trio à cordes et on a trouvé Ghislain, notre génial guitariste. Mais jouer avec un trio à cordes, c'est très compliqué : il faut beaucoup répéter, et c'est difficile de monopoliser tant de monde pour jouer des chansonnettes. Et les salles ne s'ouvrent pas forcément à ce format de groupe. On a quand même joué aux Trois Baudets ... Après ce concert, on a  rencontré Pauline à l'alto, qui m'a mis une grosse claque quand je l'ai entendue jouer... Puis j'ai eu envie de faire quelque chose avec un trio de cuivres : trompette, trombone, cor. Donc me revoilà parti sur internet … Rémi, Mister Trombone dans ALGO, nous a rejoint ainsi que Jonas à la basse.  Nous voilà aujourd'hui comme les six doigts de la main.

    B&G : C'était une volonté de ta part d'aller vers une pop à la fois fine et aussi plus orchestrale ? Un peu entre Divine Comedy et le Belle & Sebastian des débuts ?

    S: Oui, j'aime bien quand c'est baroque et élégant. Le côté grandiloquent de Divine Comedy et le côté fin de Belle & Sebastian.

    B&G : D'autres groupes t'ont-ils influencé pour ALGO ?

    S: Oui, Calexico. Et en particulier Blonde Redhead et leur album « Misery Is A Butterfly », qui m'a véritablement scotché. Quand j'ai entendu les cordes, j'ai trouvé ça magique. Et quand j'ai su que les deux jumeaux avaient fait des études de musicologie, comme moi, je me suis dit que c'était possible, que je pouvais me lancer. Je les ai vus en concert au Printemps de Bourges notamment, et j'ai pris une énorme claque.

    B&G : C'est peut-être moins direct, mais côté influences, on pense aussi à Colin Blunstone, en particulier à ses deux premiers albums « One Year » et « Ennismore ».

    S: J'ai écouté une compilation des Zombies et un album de Colin Blunstone en mp3. Les harmonies sont magnifiques. On retrouve un membre des Zombies aux arrangements dans   l'album « Fold Your Hands Child, You Walk Like a Peasant » de Belle & Sebastian, qui est un de mes albums préférés. En parlant d'harmonies, mentionnons Elliot Smith, dont je suis plus que fan. J'aime quand les suites d'accords sont riches, pas forcément aussi complexes que dans le jazz, mais que ça trace un chemin, même quand il n'y a qu'une seule note qui fait le lien entre deux accords.

    B&G : Comment travailles-tu les compositions des morceaux d'ALGO ?

    S: Il faut déjà que la chanson sonne bien en guitare – voix, tout simplement. Quand je compose, j'imagine qu'il y a autour de moi tous les musiciens du groupe, j'entends les cordes et les cuivres, j'entends la rythmique. Je veux que ce soit élégant et aérien. Il faut que ce soit beau, même si chacun a sa définition du beau, hein ? L'important, c'est surtout que je ne reconnaisse pas la suite d'accords. Quand j'ai un doute, je vais vérifier dans mes CDs ou sur Spotify, pour être sûr que je peux conserver ma mélodie et que je ne suis pas dans le plagiat !

    B&G : Ta musique est assez singulière. Avec cette profusion orchestrale…

    S: Oui. Il faut avant tout que ça soit personnel, que ça me ressemble. Et que ce soit original, si possible, par rapport au paysage culturel.

    B&G : Tu ne te mets pas de barrière ? Par exemple, te dire que ça va coûter trop cher de mettre des cordes et des cuivres. Que ça va être compliqué à enregistrer.

    S: Non car c'est vraiment ce que je veux faire. Quand on a fait les cordes avec des synthés, je me suis rendu compte que même les meilleurs logiciels ne remplaceront pas un orchestre. Et quand j'ai entendu pour la première fois dans mon salon le trio à cordes que j'avais réuni, ce fut une sensation géniale. Je ne pensais pas faire un projet musical comme cela mais je veux toujours aller au bout. Même si c'est beaucoup de travail... J'écris toutes les parties musicales, pour tous les instruments, avec certaines instructions de jeu. Les musiciens d'ALGO sont là pour sublimer et me faire entendre ce que j'avais imaginé : c'est magique ! On joue mes chansons, ce n'est pas un diktat mais un postulat de départ. Au final, le plus compliqué avec de la pop indé orchestrale, c'est de trouver des salles de concert pour jouer ! L'appel est lancé (rires) !

    Interview du groupe ALGO, 29 janvier 2016

    B&G : Et pour les paroles, tu as fait le choix de l’anglais…

    S: Oui, mais j’utilise un anglais assez simple, qui n'est pas très littéraire. Je fais corriger les textes par des amis qui sont bilingues. Quand je chante, il faut que je comprenne ce que je dise. Mes chansons parlent simplement de la vie de tous les jours.

    B&G : Tu n'envisages pas de chanter en français ?

    S: Quand j'étais ado, j'aurais aimé être un dandy anglais avec tous les stéréotypes qui vont avec. J'adore la langue anglaise, j'ai même fait un petit bout de fac d'anglais avant la musicologie. Et presque toutes mes influences musicales sont britanniques, ou anglo-saxonnes. Mais, un jour je pense que j'essayerai d'écrire en français. Il faut que je me laisse du temps, voir si j'en suis capable, si ça a du sens, et si ça a une raison d'être dans ALGO.

    B&G : On pose souvent cette question car ce qui peut être bloquant dans le français, c'est la pesanteur de la langue, qui n'existe pas dans l'anglais. C'est difficile de conserver la simplicité et de ne pas tomber dans la chanson à textes.

    S: C'est ça. En français, on peut vite devenir soit too much, soit cul-cul. Tout dépend de ton talent !

    B&G : Tu écoutes des artistes français ?

    S: Gainsbourg, Les Innocents, Thomas Fersen, La Maison Tellier, Mina Tindle.

    B&G : On va revenir à l'EP, « The Misunderstanding », qui est sorti récemment. Quelle est la signification de ce titre ?

    S: Ce titre, qui est aussi une chanson de l'EP, a un rapport avec l'incompréhension et les malentendus avec certaines personnes, qui te jugent, qui te mettent dans des cases. Le temps passe tellement vite, il faut avancer et ne pas se laisser polluer par ces personnes. C'est aussi l'idée de la chanson Time To Say Goodbye. Les autres chansons, comme Between Her Arms et A Special Life, évoquent plus le fait de se retrouver dans les bras de ma copine, de retrouver un réconfort par rapport aux tensions du quotidien, aux choses qui nous grignotent sans qu'on le sache. Tout cela a été magnifiquement retranscrit sur la superbe pochette réalisée par Pascal Blua.  Un magicien ...

    B&G : Ca n'a pas été trop compliqué à enregistrer ?

    S: Si ! 13 musiciens ont participé à l’enregistrement. Et comme l'improvisation n'est pas trop mon truc, j'ai beaucoup travaillé avant de passer en studio. Igor Moreno, l'ingénieur du son qui a produit l'EP et aussi le deuxième magicien pour ALGO, a fait un énorme travail. J'ai aussi tenu à utiliser un clavecin, ce qui n'a pas été facile à trouver : les gens ne veulent pas prêter leur clavecin à un « jeune rockeur ». Du coup, j'ai contacté le CNSM de Paris. Et ils m'ont répondu ! C'était génial : j'ai pu jouer sur un vrai clavecin accordé en 440, et aussi sur un piano à queue Steinway. Comme quoi, parfois, ça vaut le coup d'insister et de forcer les choses. Bon, parfois, ça fait aussi chier les gens (rires). D'un point de vue financier, le fait que Microcultures veuille bien de nous pour le crowdfunding, ça nous a beaucoup aidé. J'étais très fier de collaborer avec eux. J'avais avancé pas mal d'argent et ça a fait plaisir à mon banquier.

    B&G : Qu'est-ce que tu aimerais pour 2016 ?

    S: Sortir l'EP en vinyle et faire un clip, ce qui serait un beau cadeau pour nous et pour les personnes qui aiment bien ALGO. Et aussi trouver un label et un éditeur, pour placer les chansons, pour faire connaître notre musique, et pour être aidés. Le but, ce n'est pas de se faire plein d'argent, c'est d'arriver à financer notamment la production d'un EP pour janvier 2017. J'aimerais aussi faire des concerts en province, quitte à faire des allers-retours le week-end.

    B&G : On va finir avec l'interview « Dernier Coup ». Dernier coup de blues ?

    S: Le boulot.

    B&G : Dernier coup de cœur ?

    S: Je vais être papa dans 6 mois.

    B&G : Dernier coup de rouge ?

    S: Samedi. C'était mon anniversaire.

    B&G : Bon anniversaire en retard ! Dernier coup de gueule ?

    S: Ce matin, en classe. J'ai sorti ma grosse voix à cause d'un retard...

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